sábado, 6 de junio de 2015

#hemeroteca #mujeres | Jamais soumise: "Ce livre est un hommage aux femmes qui ont connu le mariage forcé"


Imagen: L'Express / Zohra K.
Jamais soumise: "Ce livre est un hommage aux femmes qui ont connu le mariage forcé"
Victor Garcia | L’Express, 2015-06-06

http://www.lexpress.fr/culture/livre/jamais-soumise-ce-livre-est-un-hommage-aux-femmes-qui-ont-connu-le-mariage-force_1686074.html

Dans "Jamais Soumise", Zohra K. raconte comment elle a été mariée de force, violée, battue et séquestrée pendant 20 ans en Algérie... Avant de réussir à s'enfuir pour retourner en France. Aujourd'hui, elle a pardonné à ses anciens bourreaux. L'Express l'a rencontrée.

Envoyée à 16 ans par ses parents en Algérie, mariée de force à un cousin éloigné cruel et barbare... Zohra K. a vécu un enfer. Séquestrée, isolée du monde, battue et violée, elle parvient finalement à s'échapper et sauve ses trois filles -elles aussi victimes de sévices- quatre ans plus tard. Une tragédie qu'elle raconte dans “Jamais soumise”.

L'Express a rencontré Zohra K., dans son appartement. À 53 ans, elle nous reçoit en souriant, même si se replonger dans les souvenirs de sa vie passée est loin d'être évident.

Dans votre livre, vous racontez vingt ans de sévices après que votre famille vous a envoyée en Algérie pour un mariage forcé. Vous dites aussi que des voisins savaient ce qu'il vous arrivait...

Nous avons d'abord vécu dans un village, en Kabylie. Ma belle-famille était haïe, isolée du reste du village. Les habitants connaissaient la maison comme celle "où les femmes et les enfants étaient sales, où ils avaient faim".

Ensuite, nous sommes partis en ville, dans une nouvelle maison. Des habitants ont su ce qu'il s'y passait sans vraiment savoir qui était victime. Je l'ai appris car un proche s'est marié à une femme de cette ville. Elle lui a dit qu'elle avait entendu l'histoire de cette maison, des cris qui s'en échappaient. En rencontrant mon frère, elle a appris qu'il s'agissait de moi. Et puis il y avait les médecins qui m'ont auscultée.

Mais personne n'a prévenu les autorités car il y a un principe de non-ingérence: chacun fait ce qu'il veut chez lui. Et la femme est considérée comme mineure par le Code de la famille algérien.

D'autres personnes vous ont aidée aussi...

Oui, c'était un coup de chance: la femme qui travaillait au consulat de France était liée à l'association Femmes solidaires. Sur place, quelqu'un d'autre m'est venu en aide, je l'appelle "Mon ombre", je préfère qu'elle reste anonyme, pour la protéger.

Vous écrivez que vous avez pardonné à votre "belle-famille"...

Je n'ai pas oublié, mais je pardonne. La haine ne sert à rien. Aujourd'hui, ils sont détruits, ils vivent dans le déshonneur. J'ai de la pitié pour eux. Pas de haine. À quoi ça sert de ne pas pardonner? Ils ont vécu les mêmes choses. C'est un cercle vicieux que j'ai brisé.

J'ai dit à mes trois filles: "Vous avez besoin d'un père pour grandir. J'ai insisté pour qu'elles y retournent, qu'elles se reconstruisent. Elles sont revenues pour lui pardonner.

Quand avez-vous décidé d'écrire Jamais Soumise?

En fait, dès que je suis arrivée à Alger, à 16 ans. C'est mon cousin Faudel* qui m'a proposé de parler des différences entre ma vie en France et celle en Algérie. L'idée ne m'a jamais quittée.

J'ai écrit le livre pour mes trois filles, pour moi, pour ma reconstruction. C'est aussi un hommage à toutes les autres femmes qui ont connu ça. J'en ai rencontré, là-bas. Envoyées de force parce qu'il y avait cette idée, après la guerre d'Algérie, que l'enfant ne devait pas prendre la nationalité française -la nationalité du colon- à ses 18 ans, vécue comme un déshonneur pour la famille.

Avez-vous gardé des séquelles de cette période?

Des séquelles physiques, oui. En rentrant en France, j'ai passé des radios et découvert que j'avais des os cassés, notamment la mâchoire.

Et psychologiquement...

Je n'en veux pas aux hommes en général mais, je me tiens éloignée d'eux. Je ne peux pas généraliser mon histoire à tous les hommes. Ce sont par exemple des hommes kabyles qui m'ont poussée à écrire. C'était vraiment cette famille qui était cruelle. Maintenant, j'ai envie de vivre, pour ici et aujourd'hui. Pour mes filles aussi, que j'ai pu éduquer.

Votre décrivez votre retour et celui de vos filles en France comme un retour à la liberté, mais accompagné d'un lot de complications.


J'ai dû tout apprendre. Prendre le bus, le métro, utiliser une carte bleue ou un téléphone portable. Une fois, j'ai fait le code sans mettre la carte... Comme je dis: "Je suis partie là-bas avec une machine à écrire, je suis revenue, il y avait des ordinateurs."

Quant à l'éducation de mes filles... Ça a été un très long travail. Quand elles sont arrivées, elles ne parlaient pas français, n'avaient pas de papiers. Aujourd'hui, les trois ont un boulot et un titre de séjour.

Cette histoire me permet de relativiser les problèmes des papiers, de l'argent. J'ai un titre de séjour de 10 ans qui se termine le 2 août. Mon prochain rendez-vous est le 21 août. Il va donc y avoir une période où je vais raser les murs. J'ai demandé des papiers français, mais les démarches sont au point mort. Pourtant je suis née en France quand l'Algérie était encore française. Je suis donc doublement française. Mais comme je suis partie avant mes 18 ans et que j'ai été mariée là-bas... J'ai été en situation irrégulière toute ma vie, à tous les niveaux.

Pourtant, vous travaillez et vous gagnez votre vie?

Je suis cuisinière en Corse, à Bastia, la moitié du temps. L'autre partie de l'année, je vis à Paris où j'expose mes toiles. Je peins depuis cinq ans mais j'ai toujours aimé dessiner, ça m'a aidée (sa prochaine exposition se tient ce jeudi 4 juin au Côté Parc Immobilier, dans le 10e arrondissement de Paris, NDLR)."

"Selon les normes de la société, je vis en dessous du seuil de pauvreté. Cela me fait sourire. Je sais que ma vraie richesse est d'être avec mes enfants. Et celle-là ne se calcule pas en chiffre", écrit Zohra dans Jamais Soumise.

DOCUMENTATION
Zohra: mariée de force, séquestrée, battue, violée, mais "Jamais soumise"
Victor Garcia | L’Express, 2015-06-03

http://www.lexpress.fr/culture/livre/zohra-mariee-de-force-sequestree-battue-violee-mais-jamais-soumise_1685478.html

No hay comentarios:

Publicar un comentario

Nota: solo los miembros de este blog pueden publicar comentarios.